La digitalisation fiscale est au centre des débats politiques en Europe. Le Conseil de l’Union européenne, présidé actuellement par le Portugal, a annoncé accorder la priorité aux initiatives liées à « la transformation digitale des entreprises et des plateformes, dans les domaines du e-commerce, des paiements en ligne et de la fiscalité » durant son mandat[1]. Afin de démontrer les avantages associés à la digitalisation de la fiscalité, aussi bien pour les entreprises que les gouvernements, nous allons passer en revue les mécanismes qui y sont liés. Puis nous nous pencherons sur les capacités du reporting en temps réel. Enfin, nous étudierons les possibilités offertes aux gouvernements pour passer à la vitesse supérieure en matière de transition numérique !
Les initiatives de digitalisation fiscale en Europe
Afin de passer en revue certains des mécanismes préexistants, intéressons-nous à quelques cas concrets. Un bel exemple de digitalisation fiscale est celui du Royaume-Uni. Le HMRC (Recettes et Douanes de Sa Majesté) a lancé la campagne Making Tax digital en 2017. Dans ce cadre, « les entreprises étant enregistrées au Registre national du Commerce et des Sociétés ayant des revenus supérieurs à 85 000 £ par an doivent respecter les consignes énoncées dans le projet ‘Digitaliser la TVA’ en conservant certains types de documents sous un format numérique ». À partir du 1er avril 2022, le seuil de revenus sera révoqué pour rendre ses consignes obligatoires et applicables à toutes les entreprises. En plus de conserver leurs documents sous format électronique, la campagne impose également que les entreprises effectuent leur déclaration de TVA en ligne[2].
Les premiers résultats du programme ont été publiés en mars 2020. Dans ce rapport, le HRMC révèle que près de 1.4 millions d’entreprises sont inscrites dans le programme ‘Digitaliser la TVA’, et que le projet a « vu une réduction générale de la marge d’erreur et a constaté une amélioration de l’exactitude lorsque comparé avec les méthodes précédentes »[3]. Toutefois, il y a encore lieu d’améliorer les choses. Cette amélioration concerne majoritairement les coûts d’implémentation. Le Tax Adviser Magazine a notamment conduit un sondage à ce propos. Parmi les 1 091 réponses reçues, le Tax Adviser Magazine a découvert que les coûts d’implémentation étaient plus élevés que les 109 £ attendus. En effet, « 64.7 % (455) des sondés ont rapporté avoir dépassé le coût prévisionnel de 109 £, mais sont restés en dessous de 1 000 £, tandis que 11.7 % (82) des sondés ont rapporté avoir dû dépenser plus de 5 000 £ en frais d’implémentation »[4]. Ses résultats démontrent la difficulté d’évaluer le coût d’implémentation d’un tel mécanisme lorsque la mise en œuvre doit s’appliquer à un éventail d’entreprises aussi varié.
Davantage de pays européens ont choisi d’emprunter le chemin de la digitalisation fiscale, cependant les modalités varient d’un pays à l’autre. Beaucoup ont choisi de rendre obligatoire une norme standardisée (SAF-T)[5] équivalent au FEC, le Fichier d’Écriture Comptables. L’un de ces pays est la Lituanie. Elle a lancé le déploiement de son FEC en 2016 et requiert l’enregistrement sous format structuré du livre des recettes au côté de la déclaration de TVA avant le 20 de chaque mois[6]. D’autres pays, tels que le Portugal, ont implémenté un mécanisme similaire, tandis que le Luxembourg requiert uniquement la transmission du livre des recettes sous format structuré pour les entreprises générant plus de 112 000 € par an, sur demande.[7]
La digitalisation fiscale à travers le reporting en temps réel (i.e. au fil de l’eau)
Les États ayant implémenté un mécanisme de reporting en temps réel sont passés à l’étape supérieure de la digitalisation fiscale. Lorsqu’un mécanisme de reporting en temps réel est implémenté, les entreprises doivent transmettre, en temps réel ou au fil de l’eau, leurs données de facturation à l’administration fiscale. Un exemple d’implémentation d’un mécanisme de reporting en temps réel est le système hongrois RTIR. À partir de juillet 2020, toutes les entreprises hongroises sont dans l’obligation de transmettre leurs données de facturation, en temps réel, sous un format structuré XML. En parallèle, les factures doivent également être envoyées à l’acheteur, sans obligation de format structuré (e.g. PDF, facture papier, e-invoice). Depuis la dernière version du mécanisme (version 3.0), les entreprises peuvent intégrer le reporting en temps réel à l’envoi de la facture sous format structuré[8]. Cette fonction est, pour le moment, optionnelle car les e-invoices (factures sous format structuré) ne sont pas (encore) obligatoires.
En combinant l’e-invoicing avec le reporting en temps réel, une digitalisation fiscale totale est possible. Ce modèle hybride est largement utilisé en Amérique du Sud, qui est la terre de naissance du reporting en temps réel. Le Chili est un cas exemplaire de réussite. C’est en 2002 que le Chili a commencé sa transition numérique fiscale en promouvant la démocratisation de son format d’e-invoice ‘Ley 19799’[9]. Cependant, ce n’est qu’en 2014 que ce format est devenu obligatoire de concert avec le reporting en temps réel. Cette digitalisation fiscale totale a eut de nombreux avantages pour le Chili : réduction des coûts, optimisation des ressources humaines grâce au gain de temps, réduction de l’empreinte carbone avec l’arrêt de l’utilisation du papier, entre autres[10].
Il est important de souligner que tous les systèmes de reporting en temps réel, associés à un format de facture structuré, peuvent offrir une option de préremplissage des déclarations. Une fois encore, le Chili fut le pionnier de ce mécanisme en implémentant le préremplissage depuis 2017. Actuellement, c’est près de 93.7 % des entreprises qui profitent de ce mécanisme. Les premiers résultats de la mise en œuvre sont encourageants, « déclarer et payer la taxe sur la valeur ajoutée [… ] est désormais 60 % plus rapide, et 70 % pour le remplissage du registre des recettes ». De plus, la marge d’erreur est réduite, de même que les quantités de papier utilisées. Au Chili, cela représente l’équivalent de 8 millions de livres par an[11].
La digitalisation fiscale à travers le reporting en temps réel sécurisé
Les solutions de reporting en temps réel ont permis à de nombreux pays à travers le monde de digitaliser leur système fiscal. Néanmoins, les mécanismes préexistants de reporting en temps réel posent certains risques de sécurité. Le problème majeur est que ses systèmes stockent une quantité énorme de données dans des bases de données centralisées. Si les données financières des entreprises venaient à être compromises, cela porterait atteinte aux entreprises touchées (ce qui arrive malheureusement souvent au vu de la sensibilité des informations telles que les données tarifaires. Imaginez un scénario dans lequel les informations tarifaires d’une entreprise tomberaient dans les mains de leur concurrent, ou pire, dans les mains de leur concurrent délocalisé.
Afin de protéger ses précieuses informations qui sont transmises à l’administration fiscale, une solution existe : une fonction de hachage de facture. En ‘hachant’ les données présentes sur les factures, les informations sont rendues drastiquement méconnaissables. Le résultat ? Une empreinte numérique chiffrée des données présentes sur la facture. Le hachage est particulièrement pertinent dans le cas du reporting en temps réel car, le but du reporting en temps réel est de réduire la marge d’erreur lors du remplissage des déclarations de TVA. En d’autres termes, il permet d’empêcher aux entreprises de renseigner des informations divergentes de celles de leurs contreparties afin de bénéficier de reversements de TVA illégitimes ou bien de ne pas s’acquitter de la TVA. Pour atteindre cet objectif, les autorités fiscales n’ont pas besoin d’avoir accès aux détails des factures, elles ont simplement besoin de l’empreinte numérique cryptée des factures entrantes et sortantes correspondantes. Si les empreintes numériques cryptées concordent, alors l’autorité fiscale sait que la déclaration est exacte. Ainsi, hacher les données de facturation permettrait d’atteindre les objectifs du reporting en temps réel sans avoir besoin de stocker les données de facturation. Lorsqu’un mécanisme de reporting en temps réel sera implémenté de la façon décrite précédemment, la digitalisation fiscale sera atteignable dans les meilleures conditions de sécurité pour les entreprises et leurs données financières sensibles.
Si vous souhaitez apprendre comment le système de reporting en temps réel de summitto fonctionne et comment il profite aux secteurs publics et privés, cliquez sur ce lien. Si vous avez des questions, n’hésitez pas à nous contacter à info@summitto.fr.
[1] Traduit de l’anglais CEDEFOP, Portuguese EU Presidency: taking the green and digital transitions further, 01/2021, disponible en ligne à : < https://www.cedefop.europa.eu/fr/news-and-press/news/portuguese-eu-presidency-taking-green-and-digital-transitions-further >
[2] (En anglais) Les consignes peuvent être trouvées sur le lien suivant : < https://www.gov.uk/vat-record-keeping/making-tax-digital-for-vat >
[3] (En anglais) HMRC, Making Tax Digital: An evaluation of the VAT service and update on the Income Tax Service, 03/2020, disponible en ligne : < https://assets.publishing.service.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/873574/Making_Tax_Digital_-_An_evaluation_of_the_VAT_service_and_update_on_the_Income_Tax_Service.pdf >
[4] (En anglais) Tax Adviser Magazine ‘Making Tax Digital survey results’, publié et à jour le 1er février, disponible en ligne : < https://www.taxadvisermagazine.com/article/making-tax-digital-survey-results >
[5] (En anglais) OECD, Forum on Tax Administration, Guidance for the Standard Audit File - Tax version 2.0, 04/2010, disponible en ligne : < http://www.oecd.org/tax/forum-on-tax-administration/publications-and-products/technologies/45045602.pdf >
[6] (En anglais) Alvara VAT Live ‘Lituania i.Mas (SAF-T)’ disponible en ligne : < https://www.avalara.com/vatlive/en/country-guides/europe/lithuanian/lithuania-i-mas-saf-t.html >
[7] (En anglais) SNI Technology ‘SAF-T Luxembourg (FAIA)’ disponible en ligne : < https://snitechnology.net/en/product/faia >
[8] (En anglais) Seeburger Blog ‘When will Real Time Invoice Reporting (RTIR) become “Real Time e-Invoicing” in Hungary?’, 16/10/2020, disponible en ligne : < https://blog.seeburger.com/when-will-real-time-invoice-reporting-rtir-become-real-time-e-invoicing-in-hungary/ >
[9] (En espagnol) Biblioteca del Congreso National de Chile, Ley 19799 - Sobre documentos electronicos, firma electronica y servicios de certificacion de dicha firma, publiée le 12/04/2002 et mise à jour le 10/10/2014, disponible en ligne : < https://www.bcn.cl/leychile/navegar?idNorma=196640 >
[10] (En espagnol) Siigo ‘Facturación electrónica en Chile: lo que debemos aprender’ 12/02/2018, disponible en ligne : < https://www.siigo.com/blog/empresario/facturacion-electronica-chile/ >
[11] (En anglais) CIAT, ICT as a Strategic Tool to Leapfrog the Efficiency of Tax Administrations, 2020, disponible en ligne : < https://www.ciat.org/Biblioteca/Estudios/2020-ICT_STL_CIAT_FMGB.pdf >